Du temps pour vivre: des oppositions à
concilier
Dr
Hana Rottman
Pour les professionnels travaillant à
traiter ces situations, le risque est grand d’être pris eux mêmes dans la
pathologie, et en particulier la pathologie du temps du groupe familial dans
lequel ils interviennent. Dans ce travail où social et psychiatrique se
trouvent mêlés, on s’est formé, à la suite de M.David, à comprendre
qu’un certain nombre de difficultés du travail provenait de l’emprise de la
pathologie sur le dispositif soignant lui-même et à le traiter comme tel. Le
temps, la manière dont on le perçoit, dont on l’interprète, dont on
l’utilise, est lui aussi un symptôme, même si on a moins l’habitude de le
considérer comme tel, en raison de sa force symbolique.
Si on veut bien y regarder de plus près, en
protection de l’enfance et en placement familial, le temps est un repère
important et un butoir incontournable : voir l’importance du calendrier des
rencontres parent enfant en placement familial, le rythme des rencontres avec
les travailleurs sociaux, le rythme des rendez vous chez le
juge...tous ces repères sont des scansions qui fonctionnent comme outils
de traitement et d’évaluation. Mais
n’oublions pas que ce temps lui-même doit être compris, considéré et traité
comme un paramètre clinique. Considérons d’abord les particularités
que donne la maladie mentale au temps vécu. Si on regarde bien, on voit
que le temps dans l’hystérie,la schizophrènie, la paranoÏa, l’obsessionnalité
ne sont pas les mêmes: temps excité, dramatisé, temps de l’urgence, dans le
premier cas temps flottant, sans
contours, protéiforme, changeant dans le
second, temps rigide, exigeant, tranchant,
voire violent, ou temps figé,
immuable, répétitif dans le dernier cas.
Ces particularités apparaissent plus
clairement dès que le suivi des intervenants sociaux s’incarnent dans le
temps: les rendez vous, les durées de séjour, l’organisation de la vie des
enfants. La fébrilité de l’un, l’exigence de l’autre sont communicatives
même aux jugex et sont difficiles à analyser et à mettre à distance, à
partir du moment elles prennent pour leur objet la légitimité considérée
comme sacrée de l’autorité parentale et font ainsi jouer la culpabilité
d’intervenants insuffisamment formés à repérer ces glissements.. Le caractère
étrange de ce rapport au temps des parents devient assez vite perceptible aux
professionnels dans certains cas: la manière de prendre ou de manquer un rendez
vous par exemple, mais apparaît soudain comme ayant force de loi, dès que le
parent s’exprime sur son intolérance aux durées de séparation et ses
exigences de contact avec son enfant, si maltraitant puisse t il être avec lui.
On peut donc dire que l’on doit constamment
s’interroger sur le risque que le
temps symbolique ne soit infiltré
par les distorsions du temps imaginaire.
Trop de lenteur face à trop de hâte: dans
certains suivis en famille d’accueil
Si on a pu laisser un enfant
si longtemps avec un père gravement maltraitant, pourquoi exiger la séparation
aussi rapide d’avec une famille d’accueil à peine suspecte? Il y a la peut-être
une méconnaissance de l’importance du lien qu’un enfant construit avec un
famille d’accueil...
Le temps pour construire un lien et le temps
pour le rompre :
A évaluer et à mettre en balance avant de décider de la rupture
Le temps de se poser, de se rassembler...
II y a, en placement familial du morcellement à réunifier...de la complexité
qui demande du temps pour s’articuler, s’élaborer, devenir signifiantes.Les
dispositifs décisionnels devraient tenir compte de cette temporalité et cette
complexité.
Le temps qui tranche et le temps qui dure: le
temps ponctuel de l’événement, le temps linéaire de l’histoire :
quel est leur poids respectif dans le devenir de l’enfant, dans son développement
Le maintien du fil de l’histoire dans le
temps, condition d’une évolution
et d’une construction de l’enfant sujet....passe par le maintien de la
continuité et du lien, dans la durée :
ne soyons pas avares de temps avec l’enfant…certaines durées sont
incompressibles : neuf mois pour faire un enfant par exemple.
Et
enfin, les diverses temporalités à prendre en compte en protection de
l’enfance
pour évaluer risques et priorités afin de
faire face aux besoins de la protection
et du développement de l’enfant
Le
temps de l’adulte parent est long dans sa réalisation
Le temps de colmater la violence
Le temps d’élaborer
Le temps d’évoluer
Le temps de se reconstruire
Le
temps de l’enfant est pressant dans son besoin
le temps de la souffrance
le temps du traumatisme
le temps de construire des liens
le temps de reprise du développement
Le
temps de l’équipe:
la notion d’urgence: vraie ou fausse
urgence, urgence fabriquée. Fausse urgence: mon exemple
le temps de voir
le temps de comprendre
le temps d’élaborer
le temps d’agir
le
temps de la loi: temps médico légal
la protection de l’enfance: le signalement
le temps de dire la loi
le temps d’en surveiller l’application
le temps du maintien de la protection dans la durée
Novembre 2008