Une mise en acte thérapeutique en placement familial
par Hana Rottman & Sylvie Torres

è Extrait de l'article publié dans Les Textes de C.A.B., No 25, Ed. du Papyrus, 1997.

(théorisation développée à partir de la clinique exposée dans l'article)

[...]

Il apparaît ici que, contrairement à l'idée communément reçue selon laquelle la séparation physique entre l'enfant et son parent ne peut s'effectuer sans dommage tant que la séparation psychique n'a pas eu lieu, dans ce cas de relation fusionnelle de nature psychotique, la séparation psychique ne pourra exister pour l'enfant qu'en cas de séparation physique préalable, le mettant à l'abri de l'injonction de fusion et de l'angoisse de séparation qui lui sont transmises en permanence par ses parents et grand-parents, et qui lui rendent difficiles, voire impossibles, l'individuation et l'accès à la pensée en tant que sujet.

Donc, devant l'impossibilité manifeste de travail psychique de séparation pour les deux femmes de la famille et les troubles du développement et du comportement du bébé qui lui sont concomitants, le corps social répond par la mise en place d'une séparation physique plus marquée, celle du placement familial [1]. Dans ce dispositif, d'une part, un substitut maternel fournira à l'enfant un "holding" soutenant son développement et lui permettra de vivre la séparation-individuation avec constitution d'une relation d'objet par déplacement, le père d'accueil et l'équipe intervenant comme tiers ; d'autre part, la barrière de la distance réelle dégagera l'enfant de l'emprise parentale. La séparation a également pour but d'induire chez les parents une capacité de tolérer progressivement une distance psychique entre eux et l'enfant grâce aux modalités variées de représentation et d'élaboration de l'absence qui leurs sont proposés : entretiens individuels, familiaux, consultations conjointes parents-enfant, rencontres, visites et séjours de l'enfant au domicile familial.

Face aux multiples agis qu'on voit souvent survenir, luttant contre ce dispositif vécu douloureusement, car il attaque la structure psychotique, la réponse thérapeutique se fait donc sur deux plans simultanées :

- celui de la mise en mots donnant forme et sens. Une verbalisation intensive tente de lutter contre la force  des agis et de maintenir la juste distance, entre fusion et abandon, acte de protection de l'espace de pensée pour l'enfant, mais aussi d'un espace de vie personnelle pour la mère ;

- toutefois, on constate l'insuffisance de cette seule approche et la nécessité d'une mise en actes associée, faisant obstacle aux agis. Cette mise en actes organise la protection d'un espace de pensée pour l'enfant, préalable indispensable au travail de symbolisation.

Ainsi donc, la constitution d'un cadre protecteur du développement psychique de l'enfant se fait par une mise en actes [thérapeutique], qui se propose de favoriser les apports féconds, et de faire obstacle aux facteurs pathogènes incontrôlables en provenance de la réalité externe, en particulier parentale.

[...]

[1] au Centre Familial d'Action Thérapeutique - dispositif d'accueil familial pédo-psychiatrique.

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